L’emploi de certains mots à la sonorité trompeuse peut créer une atmosphère bien différente de celle recherchée.
Thierry Maugenest en fait la démonstration brillante dans son livre les Rillettes de Proust :
« L’ardent Antonio Vernice, harassé par une nuit de formications et par la croupade nerveuse de la haquenée qui s’agitait entre ses jambes, vit enfin le jour se lever, éternelle resucée d’un plaisir solitaire. Il repoussa sa cuculle et murmura pour lui-même :
– Quel nycthémère ! Cette chevauchée ma épuisé.
Il voulut se reposer, mais les effluves d’un phallus impudique le firent fuir. Peu après, une ultime ruade et il s’arrêta enfin, l’œil réjoui par des trique-madames en fleur et des verges d’or épanouies. Tandis qu’il entamait une miche par la baisure, en réservant une lèche pour son téton-de-vénus, il aperçut une marie-salope qui mouillait près de lui. Il se demanda aussitôt quelle position adopter.
– Je pourrais la haler par son tire-veille, se dit-il, mais je peux aussi y monter d’un saut de caracul. »
Vous trouvez ça vulgaire ?
Eh bien vous avez tort…
Formication : fourmillement dans un membre.
Croupade : saut d’un cheval qui rue.
Haquenée : cheval ou jument de taille moyenne, d’allure douce.
Resucée : reprise, répétition.
Cuculle : capuchon de moine.
Nycthémère : durée de vingt-quatre heures comportant un jour et une nuit.
Phallus impudique : champignon exhalant une odeur repoussante.
Trique-madame : plante grasse.
Verge d’or : plante herbacée à fleurs jaunes.
Baisure : côté par lequel deux pains se sont touchés dans le four.
Lèche : mince tranche de pain.
Téton-de-Vénus : belle variété de pêche.
Marie-salope : bateau à fond mobile servant à transporter les produits de dragage.
Mouiller : jeter l’ancre.
Tire-veille : filin servant de rampe à l’échelle extérieure d’un navire.
Caracul : mouton d’Asie élevé pour sa fourrure.
La langue française n’en finit pas de nous surprendre et de nous amuser. J’adore !
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