Les tarifs : un sujet sensible, qui fait couler beaucoup d’encre

Je pourrais écrire un livre tant la question est vaste. Mais je vais déjà m’attaquer à quelques points qui me semblent essentiels.

La petite rengaine « c’est un peu trop cher » commence à me donner la migraine.

Sur le sujet, on a deux équipes de vainqueurs : le particulier qui ne connaît rien à ton métier mais qui veut te l’apprendre, et le professionnel qui connaît ton métier mais qui profite de la conjoncture pour te sous-payer.

 

Dans la famille « je ne connais rien à ton métier, mais je sais mieux que toi », je demande le particulier !

Pour vous mettre dans l’ambiance, je commence par vous citer ces petites phrases sympathiques qu’on m’a déjà écrites (bien caché derrière son écran, quel courage !) :

– « Il vous faut autant d’heures pour corriger un texte ? Vous ne lisez pas vite ! »

– « Votre collègue machin, il me propose moins cher et il met moins longtemps »

– « On sait très bien que les correcteurs travaillent avec des correcteurs automatiques qui leur mâchent le travail ».

 

Bon, outre le fait que le ton n’est pas très cordial, cela soulève des questions pertinentes auxquelles je vais tenter de répondre au mieux.

 

La correction, ça prend combien de temps ?

Vous, je ne sais pas, mais moi, il ne m’est jamais venu à l’esprit de remettre en cause le temps de travail de mon garagiste ou de ma coiffeuse. Mais force est de constater que pour la correction, on doit se justifier.

La lecture en correction, ce n’est pas de la lecture plaisir (ça peut l’être, mais ce n’est pas le postulat de départ). Donc, là où je lis 50 pages en une heure sur mon temps personnel, je vais passer bien plus de temps pour une correction. Car il s’agit bien d’une lecture attentive. Cette vidéo illustre bien le propos.

En correction, on a pour habitude de facturer aux 1 000 signes espaces comprises (un peu comme le système des piges). Cela ne parle clairement pas au commun des mortels, mais il faut savoir que la cadence moyenne de relecture en préparation de copie (un texte qui n’a pas encore été relu) est de 8 000 signes espaces comprises à l’heure. Il est possible d’aller plus vite, bien sûr, en fonction de son expérience ou de son niveau d’exigence. Mais on ne peut pas corriger efficacement le double de ce nombre de signes en une heure.

 

Les prix pratiqués par les « collègues »

C’est une vaste question. La profession n’étant pas réglementée, n’importe qui peut se déclarer correcteur. Et question tarif, chacun fait ce qu’il veut ! Et c’est vrai que les montants vont du simple au double. Alors, comment s’y retrouver ?

La correction est un métier. Mais ces derniers temps, les amateurs dans la profession sont légion ! Ce sont souvent ceux qui proposent les tarifs les plus bas. Renseignez-vous, posez des questions.

Je prends le parti de vous parler uniquement des correctrices. Déjà, parce que je suis une femme (au cas où cela vous aurait échappé 😆), ensuite parce que la profession est majoritairement féminine. 

La plupart des correctrices professionnelles ont suivi une formation certifiante (RNCP niveau II). Pour ma part, j’ai suivi celle du CEC (Centre d’écriture et de communication).
Je suis toujours étonnée du fait que personne ne me demande jamais si j’ai un diplôme de correctrice. Et je ne parle pas du certificat Voltaire, qui ne forme pas au métier de correctrice, mais bien d’une école qui dispense une formation certifiante en lecture-correction (Asfored, Formacom puis école Estienne [GRETA CDMA], CEC, EMI, EFLC…).

Cela dit, même parmi les professionnelles diplômées, les tarifs varient énormément. Chacune fixe ses prix en son âme et conscience, en fonction de sa situation personnelle et de ses exigences. Mais il y a fort à parier que pour un faible prix, l’investissement de la correctrice sera minimum. Si on respecte la cadence moyenne, le travail n’est rentable qu’à partir d’un certain seuil. Et qui a envie de travailler pour gagner des clopinettes ? Certainement pas moi, en tout cas.

Donc, il n’y a pas de miracle : plus le prix est élevé, plus la prestation sera de qualité.

 

Les correcteurs automatiques

Croyez-vous vraiment qu’une correctrice qui s’est investie dans une formation sérieuse va effectuer ses corrections uniquement avec un correcteur automatique ? Erreur Lafleur !

Si cet outil est bien pratique pour effectuer les modifications en masse de la ponctuation et des espaces (insécables notamment), il est bien loin d’être aussi performant qu’un cerveau humain. Ne tenant pas compte du contexte, il ne corrige pas toutes les fautes, il peut même en faire. Rien ne vaut donc l’œil avisé de la correctrice !

Une correctrice n’est pas une machine. En fonction de ses valeurs, de sa sensibilité, de ses connaissances, elle saura s’adapter à chaque écrit. Son écoute attentive lui permettra de comprendre vos besoins et de vous offrir un service personnalisé, en tenant compte de vos exigences. La correction est un travail solitaire, mais implique des allers-retours avec le client, des discussions, des réponses à ses questions. Il s’agit d’une véritable relation humaine.

Et la prestation ne se termine pas par un envoi brutal de facture. La correctrice s’assure que le résultat vous convient et qu’elle a répondu à toutes vos questions.

 

Et les professionnels alors ?

Les principaux donneurs d’ordre des correctrices sont les maisons d’édition. Et là encore, on a de tout !

Même si je suis parfaitement consciente que chaque entreprise a ses contraintes de coûts, une indépendante ne peut pas être payé le même prix qu’une salariée (quel que soit le domaine dans lequel elle exerce).

Et cela, de nombreuses maisons d’édition ne l’ont pas encore compris (ou font semblant de ne pas le savoir).

On m’a déjà proposé un tarif de 1 euro les 1 000 signes. Cela n’est pas évident à première vue, mais après un rapide calcul, on se rend compte que cela revient à 8 euros de l’heure. Ce tarif brut doit être divisé par deux en moyenne pour obtenir un net (après déduction des charges sociales, de la CFE, de la taxe formation professionnelle, des impôts, des coûts de fonctionnement, des congés, de la mutuelle, de la retraite complémentaire…).

On obtient donc un tarif de 4 euros net de l’heure. Le SMIC horaire net étant de 8,92 euros actuellement, on se rend bien compte que c’est impossible d’accepter ces tarifs si on veut pouvoir vivre de notre travail. Eh oui, je le redis : la correction est un métier, ce n’est pas un loisir !

Malheureusement, certaines correctrices sont prêtes à accepter ces tarifs (voire de plus bas) pour des raisons qui leur appartiennent (je ne les juge pas). Mais en faisant cela, elles contribuent à maintenir ces pratiques, ce qui dévalorise complètement notre profession et nous met dans une situation de précarité. Sur ce sujet, je vous conseille la lecture de l’ouvrage de Guillaume Goutte.

L’Aclf a par ailleurs publié sur son site une vidéo sur les tarifs.

 

Ma position

Quand j’ai commencé mon activité de correctrice, je me suis posé beaucoup de questions sur mes prix. Aujourd’hui, je peux dire que je suis à l’aise avec le tarif que je propose. Et j’ai décidé de m’y tenir : je préfère refuser une correction si elle est rémunérée en dessous de mon tarif.

Pourquoi ?

J’aime le travail bien fait. Et si j’accepte de travailler en dessous du prix que je me suis fixé, je sais que je ne serai pas motivée et que la qualité de mon travail s’en ressentira. De plus, dans mon organisation, tout le temps que je vais passer sur un travail peu rémunéré, c’est du temps que je ne pourrai pas consacrer à des missions plus intéressantes. Et finalement, je vais m’épuiser. Ce n’est pas comme ça que je veux travailler. J’ai choisi une activité passion, mais cela ne veut pas dire que je suis prête à l’exercer à n’importe quel prix.

 

Alors, dorénavant, quand vous verrez les prix des prestations des correctrices, demandez-vous ce qu’il y a derrière. Et vous trouverez sans doute que ce n’est pas si cher que ça, finalement.

 

 

 

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